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Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux et des Universités du Midi

QUATRIÈME SÉRIE Commune aux Universités d'Aix, Bordeaux, Montpellier, Toulouse

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} BULLETIN ITALIEN

Paraissant tous les trois mois

TOME XVII 4

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Janvier-Mars 1917

Bordeaux : FERET & FILS, ÉDITEURS, 9, RUE DE GRASSI

Grenoble : A. GRATIER & C', 23, Graxpe-Rue Lyon: Hewnt GEORG, 36-42, PASSAGE DE L'HôTeL-Diec Marseille : Pauz RUAT, 54, RUE Paranis | Montpellier: CG. COULET, 5, GaanD'Rue Toulouse : Énouarno PRIVAT, 14, RUE DES ARTS Lausanne: F. ROUGE & C", 4, nue Hazprmaxo

Paris : FONTEMOING & C', 4, nue Le Gorr

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BULLETIN ITALIEN Tome XVII, 1917, N°1

SOMMAIRE

Hauvette (H.), Nos Deuils.. . .. . . . .. ........ 7:

Mathorez (J.), Notes sur les Italiens en France du x1n° siècle jusqu'au règne de Charles VIII (1° article)... . . . . . . . . 8

Sorrentino (A.), La Leggenda troiana nell epopea cavalleresca di Matteo Maria Boiardo (1° article) . . . . . . . . . . . . 22

Bouvy (E.), Alfieri, Monti, Foscolo : la poésie patriotique en Poe PORTE OI MNT) ed 5 MA L'éud à Ge LT

QUESTIONS D'ENSEIGNEMENT

La langue italienne dans l'enseignement public français en 1917 (H. Hauvette), p. 50.

BIBLIOGRAPHIE

Î Canti della patria: la Lirica patriottica nella letteratura italiana, raccolla e commentala da ARTURO Bint e GiUSEPPE FATINI (E. Bouvy), p. 59. A. Frapecerrto, La Storia di Venezia e l'ora presente d'Italia (E. B.), p. 60.

COMITÉ DE RÉDACTION

L. Auvray, de la Bibliothèque Nationale; L. Dorez, de la Bibliothèque Nationale; H. Hauvette, professeur-adjoint à l’Université de Paris; P. Hazard, chargé de cours à l'Université de Lyon, À. Jeanroy, professeur à l'Université de Paris; J. Luchaire, professeur à l’Université de Grenoble, directeur de l'Institut français de Florence; E. Mérimée, professeur à l'Université de Toulouse; A. Morel-Fatio, de l’Institut, professeur au Collège de France; P. de Nolhac, conservateur du Musée national de Versailles, directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études; M. Paoli, professeur au Lycée Louis-le-Grand ; E. Picot, de l’Institut, professeur à l’École des Langues orientales vivantes ; P. Sirven, pro- fesseur à l’Université de Lausanne ; À. Thomas, de l’Institut, professeur à l’Uni- versité de Paris; J. Vianey, professeur à l’Université de Montpellier, doyen de la Faculté des Lettres. ;

Secrélaire de la, Rédaction : E. Bouvy, chargé de cours à l'Université de Bordeaux, bibliothécaire universitaire.

Directeur-Gérant : G. Radet, professeur à l’Université de Bordeaux, doyen de la Faculté des Lettres.

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ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE BORDEAUX

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BULLETIN ITALIEN

A FB,, 1V° Séms. Bull. ilal., XVII, 1917, s.

BORDEAUX. IMPRHIMERIES GOÛNOU'ILHOU, RUE GUIRAUDE, -11.

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Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux

et des Universités du Midi

QUATRIÈME SÉRIE Commune aux Universités d'Aix, Bordeaux, Montpellier, Touiouse

XXXIX° ANNÉE

BULLETIN. ITALIEN

Paraissant tous les trois mois

TOME XVII 1917

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Bordeaux : FERET & FILS, ÉDITEURS, 9, RUE DE GRASSI Grenoble : A. GRATIER & C', 23, GRanpe-RUE Lyon : Hexri GEORG, 36-47, passace De L'HÔTEL-Dieu Marseille : Pauz RUAT, 54, nue Paraois | Montpellier: G. COULET, 5, GranD'Rus Toulouse : Évouarn PRIVAT, 14, RUE Des Anrs Lausanne: F. ROUGE & C'", 4, RuE HaLoimanv

Paris : FONTEMOING & C', 4, Rug Le Gorr

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Vol. XVII. Janvier-Mars 1917 .-.-:. Not: :

NOS DEUILS

Jean GÉRONIMI

Après de bonnes études secondaires au collège d'Ajaccio, couronnées par le baccalauréat (1908), J. Géronimi obtint de l'autorité militaire des sursis qui lui permirent de poursuivre immédiatement ses études. Nommé répétiteur de collège dans l'Académie de Paris, à Saint-Germain-en-Laye, à Provins, puis au collège Sainte-Barbe, il subit avec succès, à Paris, les examens de la licence (langues vivantes : italien) en 1912, et du diplôme d’études supérieures en 1913, avec un mémoire sur les sources des Rime di Giosué Carducci (1857). Dès ses premières participations à nos exercices pratiques, on put reconnaître en lui une extrême application et la volonté très ferme d'arriver au but qu'il se proposait; c'était ce qu’au quartier latin on appelle «un bûcheur », et il le montra bien dans la composition de son mémoire, en vue duquel il rechercha, avec une curiosité passionnée, dans la littérature latine et dans la littérature italienne, tous les textes dont la lecture avait pu laisser quelque trace dans le premier recueil poétique de Carducci; c'est un travail considérable, qui a produit des résultats intéressants. Le maître qui a lu ce mémoire, M. A. Jeanroy, pensait qu’il y avait la matière d'une réimpression, avec un abondant commentaire, des Rime de 1857.

Après ce gros effort, et avant de pouvoir penser à l’agréga- tion, Géronimi, qui était dans sa vingt-cinquième année, étant à Soccia (Corse) en décembre 1888, dut payer sa dette à la patrie. Il fut incorporé au 159° régiment d'infanterie, à Briançon, une de ces admirables troupes alpines, qui, depuis

Voir tome XV, p. 45 et suiv.

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le début de la guerre, ont été constamment à l’honneur, mais qui ont aussi cruellement souffert. D'abord, il fit campagne dans les Vosges, puis son régiment fut transporté dans:la région d'Arras; Géronimi, avec le grade de caporal fourrier, remplissait «avec honneur et dévouement les fonctions d'agent de liaison auprès du chef de bataillon ». C’est que, le 13 octobre 1914, il fut tué par l'éclatement d'un obus, en même temps que son commandant.

Les notes d’une simplicité touchante, qui m'ont été commu- niquées par sa famille, insistent sur la bonté de son caractère, sa douceur, sa modestie : il a été un fils modèle, obéissant, soumis à ses parents, qui s'étaient imposé de lourds sacrifices pour son éducation. Fils unique, il perdit son père au début de 1913; il laisse donc une mère désolée, dont il fut la joie, et dont il restera l'orgueil; car à tous les souvenirs qu'elle garde précieusement dans son cœur, elle peut ajouter que Jean Géronimi avait su, à Paris, gagner l'estime et l'affection de ses maîtres par son amour du travail, et que, sur le champ de bataille, il a succombé en digne défenseur de la France.

Vicror PINET

Victor Pinet était un vrai Alpin: il en avait la carrure, un peu courte, mais robuste, la ténacité, le sérieux, le dévouement à sa tâche. le 2r août 1881 à Saint-Auban-d'Oze (Hautes- Alpes), il prit son baccalauréat en 1900, et fut immédiatement nommé répétiteur de collège dans l’Académie de Grenoble, à Privas, à Saint-Marcellin, à Embrun; un peu plus tard, il fut attaché au lycée de Tournon. N'étant pas à même de suivre les coars de la Faculté, il se trouvait dans d'assez mauvaises conditions pour préparer le concours du certificat d'italien, auquel il se destinait; mais rien ne le décourageait, et je le connus d'abord en qualité de « correspondant », d’une régu- larité, d'une exactitude exemplaire. J'avais déjà quitté Gre- noble, lorsqu'il obtint d’être appelé au lycée de cette ville

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NOS DEUILS 3

comme surveillant d’internat; nul doute que la période, durant laquelle il put fréquenter assidèment les cours et la biblio- thèque, ne füt pour lui décisive : en 1909, il réussit à la fois au certificat d'italien et à la licence. Nommé d’abord répétiteur

à Besançon, il fut désigné en juillet rg11 pour occuper au

collège de Cette une chaire de grammaire avec quelques heures d'italien. En obtenant la création de ce service mixte à Gelte, j'avais en vue la reconstitution de l'enseignement de l'italien, qui y avait été donné jadis, mais qui, ayant périclité, était finalement remplacé par l'espagnol; car il me semblait que ce beau port, réside une colonie italienne assez nombreuse, avail droit à un professeur qui püt y entretenir le culte de la langue de Dante et de Carducci. Pinet assuma vaillamment cette mission délicate; lorsque, à deux reprises, je l’ai vu à l’œuvre, j'ai été touché du zèle et de la ténacité qu'il apportait dans l’accomplissement d’une tâche qui n'était pas toujours aisée ; chacun rendait hommage à sa éonscience professionnelle, et je puis témoigner, en ce qui me concerne, qu'il n’a rien négligé pour faire prospérer les études auxquelles il s’était consacré.

Appelé au 81° régiment d'infanterie, il avait le grade de sergent, Pinet prit part à la bataille de Champagne, qui marqua la fin de l'hiver 1914-1915; c'est qu'il fut blessé grièvement le 8 mars. Deux jours après, il succombait dans une ambulance près de Beauséjour, après avoir enduré de cruelles souffrances. Scs anciens maîtres, ses collègues, ses amis, peuvent assurer à sa famille, à sa jeune veuve, qu'il ne perdront pas le souvenir de ce dévoué serviteur de l’Université de France.

JEAN ANGELI

D'origine corse, mais en Auvergne, à Ambert (1886), il fit ses études, Jean Angeli fut envoyé en Dauphiné comme répétiteur stagiaire au collège de Saint-Marcellin (1906); il y revint, après son service militaire, comine surveillant d'in-

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ternat aux lycées de Tournon, puis de Grenoble, et ce fut pour lui l’occasion de s'engager résolument dans la voie des études italiennes. Il y apporta beaucoup de volonté, de zèle, d'intelli- gence; dans la même année (rg1r), il conquil sa licence et le certificat d'itälien, laissant au jury de ce dernier concours le souvenir d’un garçon encore un peu gauche, mais ayant du fond et une certaine finesse. Nommé boursier à la Faculté de Grenoble, il prit son diplôme d'études supérieures en 1912 et concourut à l'agrégation en 1913. Il fut ensuite délégué dans les fonctions de professeur à l’école primaire supérieure d'Annecy et, l’année suivante, nommé professeur de lettres et d'italien au collège de Thonon, au moment même la guerre éclata. Incorporé au 140° régiment d'infanterie, il partit pour. le front au début de novembre 1914; le 11 juin 1915, il fut blessé mortellement à Hébuterne (Pas-de-Calais).

GanwEez MATTON

Matton était un pur Dauphinois, à Luc-en-Diois (Drôme) le 13 octobre 1875, esprit éveillé, curieux, aimant l'étude, mais, en dépit d’une bonté ct d'une indulgence qui se dissimu- laient, doué d'un caractère frondeur, pointu, qui faisait de lui, dans les fonctions de répétiteur qu'il remplit pendant plu- sieurs années, un subordonné souvent difficile; quelques-unes de ses incartades lui ont fait du tort, et j'ai eu le regret de constater qu'il n'était pas toujours apprécié à sa valeur. Je crois avoir le droit de le dire, l'ayant eu pendant plusieurs années comme élève à la Facullé de Grenoble, d’abord come étudiant de licence (il était alors répétiteur au lvcée), puis comme boursier d'agrégation (1904-5 et 1905-6). J'estimais en lui une intelligence active et indépendante, c'est-à-dire qui ne se conlentait pas de recevoir un enseignement tout fait, mais qui le complétait par des lectures étendues et variées ; il avait le souci de se cultiver, de parfaire son instruction générale; il jouissait de ces lectures, qui occupaient longuc-

NOS DEUILS 5

ment sa réflexion dans la solitude il se plaisait. Ce n'est pas qu'il ne fût capable, mieux que beaucoup d’autres, de faire bonne figure en société; il savait être aimable et mûre enjoué : à Florence, il séjourna longuement, il se créa des relations je sais qu'il était fort apprécié; mais dans les petites villes il résida ensuite, à Bourgoin, à Montélimar, en qualité de professeur de lettres et d’italien, il s'isolait volontiers. Je lui reprochais de n'avoir pas assez d'ambition, de renoncer trop vite à la lutte. Admissible à l’agrégalion en 1906, il me déclara qu'il ne concourrait plus, parce qu'il croyait voir poindre, pour les années suivantes, des candidats beaucoup plus jeunes, avec lesquels il renonçait à se mesurer; et il se tint parole. Il y avait sans doute un peu d'orgueil dans cette abstention, mais Matton n'en continua pas moins à travailler, à sa manière. Me trouvant à Lyon, pour une soule- nance de doctorat, en novembre 1910, pendant la session de licence, je le rencontrai dans les couloirs de Faculté : il ne s'attendait pas à me voir, et s’excusait presque d'être venu pas- ser, d’ailleurs avec aisance, les épreuves spéciales de la licence classique (il avait pris à Grenoble la licence d'italien); ce sont des crimes qu’on pardonne! Ses classes d'italien m'avaient paru très vivantes: sa parole était animée, sa méthode ingé- nieuse, cn sorte que je voulais le proposer pour passer d'un collège dans un lycée; il me résista longtemps, alléguant qu'it lui déplairait de quitter son modeste emploi, qu'il pré- férait (et ici reparaît une pointe d'orgueil) resler par inler pares. Cependant il finit par céder, et fut nommé chargé de cours de lettres et d'italien au lycée de Saint-Étienne en juillet 1914.

Sur ces entrefaites la guerre éclata, et Matton ne rejoignit pas son nouveau poste; il fut incorporé au 30° régiment d'infanterie et envoyé sur le front à partir de novembre 1914. Du début de janvier 1915 au 11 juin 1916, il m'a écrit une dizaine de lettres, que je recevais toujours avec plaisir, et que je relis maintenant avec émotion. Ce n'est pas qu'elles fussent enthousiastes : Matton n'avait jamais ‘été un admirateur du militarisme ; et puis il était de ces hommes de quarante ans,

6 BULLETIN ITALIEN

qui, brusquement arrachés à leurs occupations préférées, ne s'adaptaient pas sans un peu de tristesse à la dure et monotone existence des tranchées; son régiment resta longtemps en Woëvre, entre Saint-Mihiel et Pont-à-Mousson, sous la canon- nade, mais peu actif. Il pensait avec regret à la grande ville industrielle il aurait enseigner; il s'écriait : « Comme le temps de paix apparait doux! Il est vrai qu’à la paix, sans doute, le temps de guerre apparaitra plein de charme, tant notre imagination est capable de nous leurrer ! » (6 février 1916). Malgré toutes les souffrances, il écrivait : « Pour moi, je continue à me bien porter et à vivre conformément à la sagesse, c'est-à-dire en m'accommodant aux nécessilés, si peu plaisantes qu’elles soient » (20 mars 1916); et une autre fois: « On s'habitue à tout », puis il ajoutait : « Que de choses nous aurons à rapprendre! Et comme nous apprécierons la paix féconde! » (17 juin 1916). D'ailleurs, il avait un excellent moral, et c'est lui qui m'exhortait à la patience : « Ce temps (la paix) viendra; il y faut de la patience. Pour moi je la garde, optimiste toujours » (3 janvier 1916). Pour se distraire, il observait avec sa curiosité habituelle les mille menus inci- dents de la vie militaire, en pleine nature, avec tous les tableaux qu'elle lui offrait, depuis la psychologie du rude et naïf troupier, jusqu'au retour du printemps, dans les bois il se trouvait : « Si blessés que soient les arbres, les pousses vertes s’aventurent sur les rameaux déchiquetés, ou grintpent le long des buissons avec une abondance qui semble vouloir cacher les effets de la fureur humaine, et les grands sujets de méditation ne manquent pas» (30 avril 1916). Dès l'année précédente (19 avril 1915), il m'avait écrit : « Il ne me manque plus que de prendre part à une attaque pour satisfaire ma curiosité. » Sa curiosité fut satisfaite au cours de la bataille de Verdun : en juin, son régiment occupa un des secteurs l'on se battait avec le plus d’acharnement; le 27 du même mois, il fut frappé mortellement dans la région, restée fameuse, de l'ouvrage de Thiaumont. A la date du 3 septem- bre, il fut cité à l’ordre du régiment en ces termes : « Le sergent-fourrier Matton (Gabriel), 23° compagnie, a rempli les

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NOS DEUILS 7

fonctions d’agent de liaison au cours du combat du 27 juin 1916, malgré un bombardement des plus violents; tombé au champ d'honneur. »

Son nom est donc inscrit parmi ceux des héros obscurs qui se sont victorieusement sacrifiés pour barrer la route à l'en- nemi au nord de Verdun. J'ai tenu à évoquer sa physionomie avec quelque précision, parce que je vois en lui un excellent spécimen de celte admirable génération de Français qui n'aimait pas la guerre et ne la voulait pas, mais qui s’y est donnée tout entière, bien résolue, puisqu'on la défiait, à avoir le dernier mot. Personnellement, j'avais de l'amitié pour Matton, qui m'a toujours témoigné beaucoup de confiance, et je suis convaincu qu’il se serait fait mieux juger de tous s’il avait rencontré plus souvent de la bienveillance et de l'affection sur sa route un peu trop solitaire. Le souvenir de sa physionomie souriante et de sa mort héroïque ne s'effacera pas de la mémoire de ceux qui ont su l’apprécier.

JEexrr HAUVETTE,

NOTES SUR LES ITALIENS EN FRANCE

DU XIII: SIÈCLE JUSQU'AU RÈGNE DE CHARLES VIII

Les ethnographes qui ont étudié la formation des popula- lions française et italienne, dénient à juste titre la commu- nauté d'origine des deux peuples et ne voient dans l'expression « nations sœurs et latines » qu’un terme vide de sens. Toutefois, ils reconnaissent que, malgré la diversité des éléments dispa- rates qui ont concouru à former les deux nations, l’une et l'autre, ayant puisé leur génie aux mêmes sources, possèdent des affinités dérivant de la similitude de leur culture.

Suivant la thèse des cthnographes, les nalions sœurs n'au- raient qu'un lien de parenté très éloignée. Cependant, à bien examiner les faits, seuls, les besoins de la politique n'ont pas créé celle expression que le populaire s’est appropriée. Durant six siècles, les nations ont intimement mêlé leur sang; nom- breuses ont été les familles françaises qui s'établirent en Ilalie ct y firent souche, plus nombreuses encore ont été les familles italiennes qui, s’acclimatant sur le sol de France, infusèrent lcur sang à celui de notre population. Ces alliances multipliées ont, entre les deux nalions, créé des rapports de familles que le temps a sans doute espacés; il n’en est pas moins vrai que la continuité des émigrations italiennes en France et des infiltrations françaises dans la péninsule a établi entre les deux peuples une consanguinité telle que se trouve légitimée la véracilé de l'expression populaire.

Depuis le xin° siècle, c’est-à-dire à dater de l’époque à laquelle se sont formés tout au moins les embryons des natlio-

1 Lagncau, Anthropologie de la France, Paris, 1879, p. 122.— Finot Le Préjugé des races, Paris, 1900, p. 412. ë

NOTES SUR LES ITALIENS EN FRANCE 9

nalités, suivant le sens que les historiens modernes attribuent à ce mot, France et Italie ont mêlé le sang de leurs enfants. Au xvr siècle même, nos rois qui avaient un instant rèvé de constituer l'Italie française ayant renoncer à ce décevant mirage, s'efforcèrent de faire la France italienne. Ils accueillirent dans leur royaume tous les péninsulaires qui s’y voulurent fixer. La manière trop amicale dont ils reçurent les Italiens et la prépondérance qu'ils leur laissèrent prendre provoqua même une crise nationaliste, mais si forte était déjà l'alliance contractée entre les deux pays que le mouvement d'hostilité contre les étrangers originaires d’au delà des Alpes dura peu de temps. Leur immigration en France ne fut pas enrayée comme le fut celle des Espagnols exécrés; il est vrai qu’en Marie de Médicis, Concini, Mazarin, voire même Colbert, les Italiens trouvèrent des protecteurs influents au xvrr° siècle. Plus tardivement, sans qu'ils aient eu besoin de s'appuyer sur de puissants ministres, les péninsulaires continuèrent à venir en France chercher des fortunes diverses, le courant de leur immigration ne se ralentit pas. Si ceux qui s'’acclima- tèrent dans notre pays, sous les règnes de Louis XV et Louis XVI, ne laissèrent pas dans notre histoire des noms aussi célèbres que leurs prédécesseurs, ils n’en contribuèrent pas moins à maintenir la vitalité de l'alliance entre les deux peuples. |

Que l’origine des deux nations ne soit pas commune et ne puisse légitimer la parenté qu'on leur attribue, le fait est indiscutable; mais la constitution de la population d'un pays présente des analogies avec la formation du sol sur lequel elle vit. Le sol est formé de terrains primitifs et d'alluvions; or, de toutes les contributions alluvionnaires fournies à notre population par les étrangers, celle de l'Italie a été de beaucoup la plus remarquable comme durée et comme importance. De notre côté, nous avons vu partir maints Français qui se sont établis sur les rives de l'Adriatique ou la Riviera de Gênes; d’autres se sont fixés à Florence, à Rome ct sur les bords du golfe de Naples. Ces mélanges de populations justifieraient à eux seuls la vérité du terme «nations sœurs et latines »

BULLETIN ITALIEN

quand bien même les événements politiques n'auraient pas mis en relief l’étroite union de deux peuples qui, bien que nés de mères différentes, ont toujours vécu en termes affectueux, assis à un commun foyer illuminé par la lueur éternelle que projette sur lui l’antique culture latine et hellénique.

C'est du règne de Charles VIII que l’on fait principalement

dater la conquête pacifique de la France par les Italiens ; à vrai

dire, depuis le début des guerres d’Italie le royaume reçut de la péninsule une incroyable quantité d'habitants qui, des coteaux de Toscane, des plaines de l’Émilie ou de la Lombardie comme des lagunes vénitiennes, s'infiltrèrent parmi les Français. Chaque année, chaque jour même, grâce à la faveur de la cour ou par l’entremise d'Italiens déjà nantis de situa- tions, pénétraient dans nos provinces des péninsulaires de toutes conditions sociales. Ils arrivaient en quête de situations lucratives, de places, de dignités, de pensions; promptement ils obtenaient les avantages qu'ils sollicitaient et la majeure partie de ces émigrants se fixaient à jamais en France. À nulle autre époque de notre histoire ne se précipita dans notre pays un flot d'étrangers aussi rapide que celui des Italiens au xvi° siècle. Toutefois, ce mouvement d'immigration a débuté bien antérieurement au règne de Charles VIIT; dès le x1rr° siècle, dans les provinces que la patience monarchique devait agréger pour constituer l’ancienne France, on constata une infiltration continue de familles originaires de la péninsule. Au temps de Louis XI, par exemple, les éléments de popula- tion italienne étaient déjà fort nombreux dans le royaume, et ces immigrants avaient jeté les bases de ces puissantes colo- nies dont l’action politique, religieuse, artistique et sociale se fit sentir pendant plus de deux siècles; ces groupements, en italianisant certaines régions, avaient préparé le règne de l'italianisme qui triompha après la première descente de Charles VIIT en Italie.

Durant la période qui s'écoule de l’avènement de saint Louis à l'accession de Charles VIII au trône, les motifs les plus divers ont incité les habitants de la péninsule à franchir les Alpes ou traverser le golfe du Lion. Les uns ne font que passer

NOTES SUR LES ITALIENS EN FRANCE tt

en France, les autres s’y fixent sans conserver d'attaches avec leur mère-patrie. Étudier les mobiles qui ont incité les Italiens à s'élablir parmi nous, montrer brièvement l'importance de leur immigration depuis le xuir° siècle jusqu’à l’époque de Char- les VII, tel est le double but que je me propose au cours de ces notes. Tout en demeurant sur le terrain de l’histoire démo- graphique, il m'a cependant paru difficile de séparer l’histoire ethnographique du peuple français de son histoire morale et intellectuelle, partant, de négliger les premières influences qu'il a subies de la part des étrangers d'outre-monts.

Les péninsulaires stables ou itinérants ont parfois exercé sur nos mœurs une influence qu’on ne saurait dédaigner. Au cours des siècles, la France a marqué sur tous les peuples européens une empreinte suffisamment profonde pour que l’on ne craigne pas de noter les réactions que nos voisins ont eues sur nous. Or, de toutes les influences étrangères qui se sont manifestées en France, celle de l'Italie a été la plus marquée et la plus durable : la plus marquée, car les deux nations ayant puisé leur culture au même fonds commun, il n’est pas surprenant que nous ayons aisément adopté les conceptions italiennes les transformant conformément à nos propres traditions; la plus durable, car une constante immigration de Florentins, de Génois, de Napolitains et de Vénitiens a maintenu le contact permanent entre les deux peuples.

De longue date, l'infiltration italienne en France a préparé ce mouvement qui, sous l'effet de causes politiques, aboutit au xvi° siècle à l’éclosion de la plus importante des conquêtes pacifiques du royaume par des étrangers.

Les premiers éléments de population italienne que l'on rencontre en France sont fournis par les Lombards ; sous cette dénomination étaient compris les citoyens d'Asti, de Chieri, de Sienne et de Lucques spécialement adonnés au négoce des espèces et des marchandises les plus diverses. Ces Lombards se répandirent à travers le monde dès le siècle, époque

12 BULLETIN ITALIEN

à laquelle on signale déjà leur présence en France. Dans les débuts, ces négociants étrangers vinrent simplement com- mercer dans les villes, puis ils s’infiltrèrent, lentement d’abord, dans les cités méridionales dont les relations avec l'Italie étaient continuelles; les foires de Champagne les attirèrent ensuite comme elles attjraient les trafiquants de tous pays. Après un travail de pénétraliion de près de deux siècles, les Lombards finirent par s'emparer de la majeure partie des affaires commerciales des régions dans lesquelles ils passaient primitivement et peu à peu ils s’implantèrent dans chacune

de nos provinces. |

L'auteur d’une monographie fort érudite consacrée aux Lombards dans les Deux-Bourgognes : conclut un des chapi- tres de son œuvre par les phrases suivantes : « Nombre de familles lombardes acclimatées, acceptées par la population à laquelle elles avaient rendu maint service, si elles avaient, en revanche, prélevé largement la dime sur sa fortune, perdirent toutes relations avec la mère-patrie et s'incorporè- rent au sol. Les emplois confiés par les souverains, la commu-

“nauté de religion et d'origine furent pour beaucoup dans ce résultat... C'est par centaines que des familles bourgeoises ou rurales des Deux-Bourgognes, issues de marchands italiens, se retrouvent dans les documents des xrv-xv° siècles. »

Cette conclusion peut être généralisée, Malgré les difficultés faites aux Lombards, les poursuites dont on les menaça fréquemment, les proscriptions que certains souverains pro- noncèrent contre eux, la haine dont un peuple, parfois aveu- gle, les entoura, ces Italiens parvinrent à prendre picd dans toutes les provinces, à se faire accepter et à s’allier aux familles bourgeoises ou aristocratiques des pays ils s'ins- tallaient. Leur immigration en France a duré plus de deux siècles, et si nombreux ils vinrent dans le royaume qu'il serait surprenant que tous aient regagné leur pays d'origine. Au demeurant, les documents prouvent que bon nombre de ces Italiens ont, après quelques générations, élabli leur foyer

1. Léon Gautier, Les Lomburds dans les Deux-Bouryognes; Bibl. de l'École des Hautes Études, fasc. CLVII, Paris, 1906, p, 142.

NOTES SUR LES ITALIENS EN FRANCE 13

définitif en France: au xvi° siècle, comme sous le règne de Louis XIV, on retrouve des familles dont les aïeux ne furent autres que ces habiles commerçants.

Les études parues sur la nature du commerce des Lombards et l’organisation de leurs sociétés sont si multiples qu'il serait superflu de redire à nouveau ce que d'autres ont excellemment dit. M'aidant des recherches effectuées, je me bornerai à mon- trer brièvement la manière dont ces commerçants étrangers se sont inêlés à la population après avoir primitivement supporté des vexations analogues à celles que subirent les Juifs, dont, d’ailleurs, ils étaient totalement différents :.

Au début de leur installation en France, les Lombards eurent à subir des avanies pour ainsi dire constantes. Elles décrurent ensuite et les vexations se transformèrent en opé- rations de police souvent suggérées par les conseillers finan- ciers de souverains aux abois. En échange d’une liberté qui, dans le principe, leur fut marchandée, on exigea des Lombards des taxes et des impôts présentant quelques analogies avec les « avanies » imposées aux élrangers qui commercèrent dans les Échelles du Levant après l'établissement du régime des Capitulations. 1l est à remarquer, cependant, que les sou- verains français, même les plus hostiles aux Italiens négociant sur leur domaine, se réservèrent fréquemment, moyennant finances, la possibilité de maintenir quelques-unes des préro- gatives que l'habileté des Lombards leur avait acquises. Le peuple, lui-même, malgré ce mépris qu'il porla aux usuriers ilaliens, ne confondit pas dans ses manifestations hostiles ceux qui le pressuraient et ceux qui cntretenaient la prospérité de leurs cités. Aux lamentations des jongleurs ct des poètes, qu'ils se nomment Aimeri de Narbonne, Ogier le Danois,

1. Parmi les études que j'ai principalement consultées, je citerai les suivantes : Piton, Les Lombards en France et à Paris, 1892. Léon Gautier, Les Lombards dans les Deur-Bourgognes. P. Morel, Les Lombards dans la Flandre française et le Hainaut. Lille, 1908. J, Viard,. Comptes du trésor de Philippe VI. Coll. des documents inédits. G. Yver, Le Commerce et les Marchands dans l'Italie méridionale au XIIIe rt au XIVe siècle, Bibl. des Écoles françaises d'Athènes et de Rome. Fasc. 88. Paris, 1903. Dans la Bibliothèque de l’École des Chartes, t. L, p. 145, il a été publié, sous le titre: Les Lombards en France aux XIII° et XIVe siècles, des documents extraits des archives de Milan.

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Bull. ital. 2

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Charles d'Orléans ou Villon, on pourrait opposer des docu- ments certains prouvant que maintes fois les habitants des villes protesièrent contre l'expulsion de ces auxiliaires utiles à leur négoce.

Aux environs de l’an 1275, les Lombards sont installés dans toutes les villes il est possible de pratiquer le commerce. Proavo Guidi, Nicolas, son frère, les Reveri et leurs associés obtiennent, moyennant redevance payée à l'abbé de Gerisy, le droit de se livrer à tout négoce et aux opérations de prêts t. À Saint-Omer, les Lombards ont des établissements en 1277 2. Gui de Dampierre, leur débiteur, favorise leur installation dans le nord de la France en 1283 5, |

Dans le Midi, à Montpellier, à Nimes comme à Toulouse, Carpentras ou Avignon, les Lombards ont des comptoirs pros- pères #. Les relations de Marseille avec l'Italie sont si fréquentes que les Italiens ont, au x siècle, une loge dans le grand port méditerranéen. À Narbonne, les Lombards se sont déjà mêlés à la population autochtone dès le règne de saint Louis, et lorsqu'en 1274 on pourchasse les étrangers établis dans cette place commerçante, les habitants font valoir que certains Lombards, citoyens de la ville, y sont fixés depuis vingt-cinq ans, y ont pris femme et vivent à Narbonne avec leurs enfants.

Maintes fois, on a signalé l’organisation des sociélés de Lombards élablis à Troyes, centre le plus important des foires de Champagne; en Brelagne, les ducs avaient autorisé les Lombards à fonder des comptoirs à Nantes, à Quimper, à Dinan et Guingamp ?.

À dater du milieu du xur° siècle, le ciloyen d'Asti envahit le comté de Bourgogne avec méthode ct discipline; il va

1. Lepingard, Contrat du 7 août 1273, publié dans Choses et autres relalives à Saint-Lô is. L. N. D.). °

2. Payaut d’IHermansart, Lettre de Philippe le Hardi sur les Lombards établis à Saint-Omer (1253). Extrait du Bulletin historique et philologique, anunéc 1896.

3. P. Morel, op. cit., passim.

4. Piton, op. cit, passun.

b, Celestin Port, Essai sur le commerce maritime de Narbonne, Paris, 1854, p, 173.

6. Bourquelot, Essai sur l'histoire des foires de Champagne.

7. Du Cane, Glossarium, Lombards.

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bientôt régner sur le pays. A Besançon, Auxonne, Luxeuil, Montbéliard, à Dôle, à Arbois, les Asinieri, les Guttueri, les Scaglia, les Tomasini, les Isnard opèrent pour leur compte et pour celui des grandes sociétés des Baldi, des Scali ou des Peruzzi :. Dans le duché de Bourgogne; l’activité des commer- çants lombards se porte vers les villes de Dijon, Saint-Jean- de-Losne et d’autres de moindre importance. C’est à Seurre que les Asinier fondèrent leur premier établissement stable dans le duché de Bourgogne; en 1280, Philippe de Vienne, lorsqu'il vendit sa terre de Pagny au duc Robert II, avail supplié son acheteur d'autoriser les Lombards à y créer une maison de banque :.

Au xuit siècle, les Lombards vivaient nombreux à Paris; d'après les rôles d'imposition déjà publiés, on constate qu'ils se tenaient groupés dans les environs des rues Saint-Merri et Aubry-le-Boucher et dans ce quartier voisin de la rue des Lombards dont le nom est un souvenir de leur présence. Ils excrçaient les professions de changeurs, d'armuriers, de courtiers de chevaux; quelques-uns étaient hôteliers, cordonniers, taverniers, d’autres vendaient merceries el épiceries. Tous n'étaient pas soumis à la taille, parmi les Lombards figuraient quelques gentilshommes. On peut juger de l'importance de la colonie lombarde de Paris d’après le seul chiffre de ceux soumis à la taille; le rôle de l'an 1299 comporte plus de deux cent cinquante noins d'Italiens taxés. Ce chiffre est au-dessous de la réalité, car dans bien des cas l'impôt est établi comme suit : « Huguenin Clava de Lucques et ses compaignons », « Landuche et ses compaignons ». De cette foule de compagnons lombards, la plupart sans doutc perdirent toute attache avec l'Italie et firent souche à Paris î. Plusieurs, d'ailleurs, ont laissé une descendance que l'on connait. |

A peine les Lombaàrds avaient-ils pris pied en France, que leur richesse et leur habileté commerciale excitèrent des

1. Léon Gautier, op. cit. ch. Il [en entier]. 2. Léon Gautier, op. cette, p. 44. 3. Pitou, op. ctt., p. 123-190.

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jalousies; les habitudes d'usure de maiïints d’entre eux, la manière maladroile dont certains réalisaient les gages hypo- thécaires ou les nantissements que leur avaient confiés des seigncurs ayant accompagné saint Louis à la croisade, déter- minèrent contre eux un courant d'opinion hostile. Après leur avoir donné trop de facilité pour s’immiscer dans leurs États, les souverains essayèrent de réagir contre ces négociants qu'on estimait encombrants. Comme toujours, la réaction fut trop violente; dans les mêmes poursuites, on engloba Lombards honnètes et vils usuriers:; mais ainsi qu'on a souvent pu le remarquer, les habitants des villes, après s'être un moment réjouis du départ des étrangers, regrettèrent rapidement leur exode. Saint Louis, sur ses dernières années, Philippe le Hardi, au cours de son règne, s'élaient montrés très durs à l'égard des Fombards; peu à peu on reconnut les services qu'ils rendaicnt, on révularisa leur situation, la coutume leur donna un statut. Impôts spéciaux, permissions temporaires d'exercer le négoce, taxation de leurs opérations, taille, emprunts forcés conslituërent une sorte de rançon exigée de ces forains qui s'enrichissaient trop rapidement. Malgré certaines préventions officielles que Philippe le Bel nourrissait encore au regard des Itaticns ct qui, en 1291, le conduisirent à les faire tous arrèter, puis relàcher; ce fut sous son règne qu'à force de diplomatie, d'adresse, de dons volontaires, les Lombards commencèrent à jouir de la faculté de vivre sans conlinuclles appréhensions. Ils achetèrent d'autant plus faci- lement leur liberté qu'après la disparilion des Templiers, l'industrie du prèt d'argent resta entre leurs mains ct celles des Juifs. Grâce à leur générosité volontaire ou contrainte, les Lombards trouvèrent auprès du roi un appui, car il recon- naissait en eux des qualilés d'activité et de dextérité qu'il mit souvent à profit. |

Philippe le Bel, en effet, utilisa fréquemment les conseils de Biche et Mouche; il puisa dans leur bourse, se servit d'eux comme ambassadeurs. À d'autres Lombards, le roi confia des fonctions très diverses, il les chargea fréquemment du soin de récupérer des impôts : Betin Cassinel fut maitre des mon-

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naies de Toulouse; Cathelin Infanghalin, Philippe son père, Donato Bruneti, Gandouffle d’Arcelles, remplirent pour le roi de multiples missions.

Si nombreux d'ailleurs s'étaient glissés les Lombards dans les fonclions publiques qu'en 1323, le roi Philippe V déclara que les clercs du trésor ne pourraient plus être choisis parmi les étrangers. Mais le signataire mème de cette ordonnance fut le premier à prendre des libertés avec le texte qu'il avait édicté; quant à ses successeurs, ils ne s’en soucièrent aucunc- ment, Les Journaux des comptes du trésor de Philippe VI qui ont élé publiés ne laissent subsister aucun doute à cet égard.

Comme le roi agissent les grands feudataires de la couronne; des maîtres de monnaie lombards sont par eux pourvus de charges dans le temps même que Philippe le Bel octroie ges charges aux Italiens : Bonseigneur, de Sienne, Contat Lerignon, de cette ville, le Lucquois Nieppe Baignel apparaissent dans des accords relatifs aux monnaies de Valenciennes; à Rouen, à Toulouse, des agents de finances sont fréquemment choisis parmi les Lombards; les Asinier, les Moreti, les Scaglia liennent en Bourgogne des emplois financiers, il en est de même des Ysnard:.

Advenant le premier tiers du xrv° siècle, la situation des marchands italiens s'était suffisamment affermie pour que certains d'entre eux prissent l'initiative de fonder à Paris des bourses d’études pour leurs compatriotes. Vers 1354, furent créées à Paris onze bourses de quinze florins pour des Italiens; trois proviseurs, l'un toscan, l’autre romain, le troisième lombard, étaient chargés d’administrer cette fondation, dont André Ghini, évêque d'Arras, François de l'Hopital, de Modène, Renier de Pistoie et Manuel Rolland, de Plaisance, avaient élé les promoteurs. Les étudiants désireux de profiter de ces bourses devaient habiter rue des Carmes, dans l'im- meuble du Mont-Saint-Hilaire qui, par la suite, prit le nom de Collège des Lombards. Très nombreux au x1v° siècle furent

1. P. Morel, op. cit., Pièces justificatives : Liste des Lombards ayant exercé dans les Flandres. 2. Léon Gautier, op. cit., pp. 75 à 1o1. °

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les jeunes hommes qui, d'Italie, vinrent étudier à Paris, mais après la guerre de Cent ans, nos universités furent abandon- nées par eux; Padoue comme Pavie retinrent les péninsulaires studieux. La fondation de Paris fut mal administrée et, au xvi* siècle, lès proviseurs du Collège des Lombards cédèrent leur institution à un [rlandais qui y recueillit ses compatriotes immigrés à Paris. L'ancien collège des Lombards fut alors transformé en Collège des Irlandais.

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